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Le phenomène MABANGA, un danger pour la musique Congolaise

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Aujourd'hui plus aucune chanson rumba à succès ne sort sans ces noms cités toutes les trente secondes. Un « libanga » (pour dire pierre en lingala) c'est chacun de ces noms repris dans la chanson dans le but de faire hommage à quelqu'un. Hervé CIB

Aujourd’hui plus aucune chanson rumba à succès ne sort sans ces noms cités toutes les trente secondes. C’est un fait qui ne date pas d’aujourd’hui et que tous les mélomanes de la musique congolaise savent. Dans les milieux des artistes et des média, ça s’appelle les « mabanga » (pour dire pierre en lingala). Un « libanga » c’est chacun de ces noms repris dans la chanson dans le but de faire hommage à quelqu’un. Ce « quelqu’un », avide de notoriété, est souvent un mécène ou un personnage influent (un riche commerçant, un homme de médias, une figure politique, un chef d’entreprise, un haut gradé de l’armée ou la police,…)
Décidément la quasi-totalité des chanteurs mainstream de la scène musicale congolaise s’évertuent à cette pratique. Chaque dédicace est tarifée, le prix variant d’un artiste à un autre en fonction de son influence. Certaines chansons vont même jusqu’à porter les titres de ces « grands prêtres » (c’est le jargon approprié tel que les appellent les musiciens eux-mêmes)

Pourquoi ce phénomène ?

Dans un pays en pleine récession économique et aux cruelles inégalités sociales, le « libanga » est l’expression musicale de cette culture qui s’est enracinée dans le mental du congolais de classe moyenne ou ouvrière voulant s’attirer un capital de sympathie tout azimut pour gagner de l’argent et/ou de l’attention de la part de ces mécènes. Ces derniers, étant désireux de voir leur visibilité dans l’espace public être promu, payent en contrepartie.
L’absence d’un vrai système d’exploitation musicale en est vraisemblablement la raison la plus plausible. Leurs oeuvres étant outrageusement piratés, les artistes congolais ne reçoivent quasiment pas de droits d’auteurs sur les albums et singles qu’ils sortent. Comment alors vivre de son métier ? Une réponse se prête : recourir au système des mabanga. Malheureusement celui-ci pose un double problème comme conséquence.

D’abord le premier problème est une évidence : Au préjudice du message de la chanson, cette litanie des noms cités à tout bout de champs perturbe l’écoute. Ça rend indigeste l’audition de la chanson et sa qualité en est directement compromise. La musique est ainsi dénuée de son potentiel de renouvellement des valeurs et de l'éthique sociale. Ca s’impose à l’esprit : plus il y a de la place pour des « mabanga » moins il y en a pour des paroles sensées.
Le second problème est que ce « parasitisme » qui se crée a des conséquences sur le choix des thèmes qu’abordent les chanteurs. On connait tous la fameuse formule « On ne coupe pas la main qui te nourrit ». Les artistes le savent très bien et cela les entraîne consciemment dans des dérives. Pour par exemple un artiste sponsorisé par un homme politique, il est pratiquement difficile voire inacceptable d’aborder des thèmes pouvant compromettre le sponsor. Ceci dit, il en va de soi que les compositions soient de plus en plus sans contenu, stéréotypés et monotones. Ca fait perdre à la musique congolaise sa crédibilité aux yeux d’une certaine catégorie des mélomanes.

Sachant que les musiciens ont une certaine influence dans les sphères déterminantes des choix sociaux (religieux, politique,...), notre chère musique devrait cesser de ne servir que de porte-étendard d’une société de consommation où on vante (souvent à tort) les oeuvres et mérites des hommes politiques, des riches commerçants et de leurs marques de luxe.
Pour reprendre la place d’honneur qui était sienne, la musique congolaise a besoin de se (re)créer, dans une forme toute différente.

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