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Interview Paradis Mananga : le hip hop s’impose déjà face à la rumba au Congo et j’attends voir qui me dira le contraire

Interview, Paradis Mananga Paradis Managa, @Kinshasa 2018

Elle est l’une des rares femmes, toujours en vue sur la scène urbaine, qui ont choisi de porter à son plus haut niveau le hip hop congolais un monde jadis masculin. Paradis exprime ses opinions à travers cette interview

Pourtant mère de famille, Paradis Mananga dont le hip hop ne cesse de couler dans le sang et faire battre son cœur ; en plus d’être artiste musicienne, est aussi une actrice et réalisatrice avérée dans le monde du cinéma. En 2016, elle rafle le prix de la « Meilleure actrice Fickin 2016 » dans un petit rôle joué dans son propre film « Le diable au plafond », un rôle qu’elle tenait juste pour combler le manque de personnage adéquat.

Elle entre activement dans la scène du hip hop professionnel juste en 2015 où sous la production du label Racine Alternative, sort deux singles avant de prendre un repos d’une année de 8 mois. Elle revient mi 2017 et produit une trilogie de singles comportant « Bugatti »,  « Lamborghini » et « Ferrari » « avant de poursuivre avec du lourd en 2018 », dit-elle.

Lors d’une récente interview nous accordée, elle parle de ses débuts dans le monde du hip hop, un monde qui n’est pas épargné des défis, surtout pour les femmes, un monde qu’elle aimerait un jour voir émerger.

Comment tu t’es retrouvée dans le monde de la musique et surtout du Hip Hop, un monde généralement masculin ?

Je pense que je suis tombée dedans toute petite. Cela est causé du fait d’être née seule et d’avoir grandi seule alors des temps en temps quand j’avais peur suivant les conseils de ma mère, effectivement je me mettais à chanter pour dissiper la peur et ça marchait à tous les coups quand je suis seule et en attendant que ma mère arrive, quand je chantais, je n’avais plus peur alors de cela toute petite je peux dire que j’ai eu à développer ma voix et eu l’envie de chanter un jour dans la vie en étant grande. Et le hip hop qui est un monde généralement masculin c’est quelque chose qui était quand j’ai commencé dans le monde de Hip Hop ici à Kinshasa, mais ce n’est vraiment plus du tout le cas ici, je te citerai plein d’artistes femmes qui montent telle une fusée ce dernier temps sur Kinshasa dans le Hip Hop et la musique urbaine ; donc on en est plus du tout là ! Les femmes commencent je peux même dire à dominer le monde hip hop congolais mais à l’époque quand j’ai mis ma tête, j’étais parmi les rares femmes à y être et du coup j’étais accueilli comme un genre de cadette, genre de quelqu’un qu’il fallait protéger, qu’il fallait à tout prix épargner des mauvaises réalités du monde de hip hop.

Croises-tu des problèmes dans ta carrière, problèmes qui surviennent en raison de ton genre féminin ?

Etre femme dans ce milieu c’est bon mais aussi c’est mauvais ; par exemple les dragues incessant des pseudo-producteurs ou producteurs tout court ou managers ou des hommes avec qui tu dois travailler s’il y a dans ce cercle des hommes qui te draguent mais avec qui tu dois travailler, du coup un refus de ta part, fait que des attitudes changent entre vous et finalement vous n’allez plus travailler ensemble parce que ça ne marche plus. C’est la plupart de temps le genre de problème qu’une femme peut rencontrer dans ce milieu. Les sollicitations, les dragues, des fois si tu refuses, tu mets un peu ta carrière en retrait comme je l’ai fait, comme la pause j’ai sus évoquée d’il y a un an et quelques mois ; donc voilà c’est le fait de me dire : « ça c’est un monde sale, un monde où tout le monde couche avec tout le monde, mais qu’est ce qui se passe ? » … Mais à part ça, en général homme ou femme, nous rencontrons beaucoup de difficultés dans nos carrières sur Kinshasa parce que nous n’avons pas assez de gens qui croient en nous, qui viennent nous booster, ... Je pense juste qu’ils ne croient pas encore assez en nous et c’est à nous de travailler dur pour leur montrer qu’ils peuvent nous faire confiance et que nous pouvons être rentables comme produit parce qu’en tant qu’artiste je suis un produit qu’il faut vendre.

Au Congo DR, Hip Hop est un mouvement qui n’arrive pas à se frayer un chemin, souvent étouffé par la rumba, quelle stratégie penses-tu qu’il faudrait adopter pour inverser la tendance ?

La tendance est déjà inversée ! Les « rumba men » et les « rumba women » mettent du hip hop dans leurs sons, la question ne se pose pas ! Donc moi je pense que la bonne question serait : nous en tant que artistes urbains ou hip hop à Kinshasa, comment nous frayer un chemin, mais que nous soyons encore étouffé par la rumba, non, non … Je ne saurai pas te dire comment la rumba est « hiphopisée » ce dernier temps à Kinshasa.

Maintenant nous avons la mauvaise réputation d’être des rêveurs parce que la plupart de temps nos artistes qui sortent qui font beaucoup parler d’eux sur Kinshasa sont des gamins qui à base veulent seulement faire du buzz et ne savent pas exactement où ils veulent aller et du coup nous qui sommes là voulant faire du travail dans le maximum de sérieux possible parce que ça peut être une profession qui peut nourrir une famille, qui peut payer un loyer, qui peut payer le minerval, qui peut faire vivre une famille et bien nous sommes mêlés dans cette réputation là et du coup nous n’avons pas trop de gens qui nous fassent confiance si ce n’est qu’il faut forcer nous-mêmes et frayer ce chemin aller leur dire : « écoutez moi par exemple moi Paradis je suis une licenciée de l’université de Kinshasa mais voilà je jette mon diplôme, je ne travaille pas dans un bureau, je viens dans la musique parce que la musique c’est ma profession j’aime vivre avec ça ». Nous devons maintenant imposer cela et monter cela avec force à ces gens là qui feront en sorte que ce chemin soit frayé, s’il faut le dire comme ça !

Notre image est ternie par rapport aux « Youppie » comme on les appelle ici et puis aussi ceux qui sont dans le mouvement et qui ont déjà frayé le chemin, ils verrouillent le système, c’est-à-dire il faut passer par eux pour connaitre un festival qui se passe en Belgique ou une rencontre avec les producteurs ou les mécènes qui sont à Brazzaville, il faut obligatoirement être en bon terme avec eux. Si tu n’es pas en bon terme avec eux, tu ne connais rien ! Les informations arrivent mais s’arrêtent à un certain niveau où les gens bloquent les informations pour le développement et l’émergence de ce mouvement urbain … On déverrouille ce système uniquement quand on a la chance soit même d’aller à la rencontre de ces gens par hasard parce que ceux qui ont réussi, qui connaissent comment ça se passe se mettent entre les mécènes et vous et vous empêchent de passer. C’est un miracle d’arriver vers les mécènes sans passer par eux  qui verrouillent le système.

Que répondrais-tu à toutes ces personnes qui taxent de « personnes moins sérieuses » les artistes en général et les artistes femmes en particulier ?

Si Donald Trump était passé avant plusieurs présidents aux USA, la suite de tous les présidents américains serait que les présidents des USA sont des malades mentaux comme l’on taxe Donald Trump aujourd’hui. Alors si une fois dans le passée une artiste féminin a eu la réputation d’être moins sérieuse et que voilà tous les artistes après elle sont ainsi taxés, tant mieux, on n’ira pas dans chaque maison des fans à travers le monde pour leur dire pour son histoire particulière, … parce que c’est vrai que les artistes surtout femmes sont taxées tout de suite de X et Y mot du monde mais après moi je rentre à la maison m’occuper de mon enfant et de mon homme et ma famille qui croient en moi, après je dois porter une veste pour redevenir artiste parce que moi je suis un produit à vendre en tant qu’artiste … je n’ai pas de réponse à leur donner, on doit seulement avancer. Parce que si on tient à ça on doit avoir mal à la tête ; on ne pourra jamais plaire à tout le monde  au même moment, même Dieu n’y est pas arrivé, même le Diable aussi n’y est pas arrivé, c’est pourquoi il y a les chrétiens et les païens dans le monde … Que ma famille me croit sur le bon chemin et que je fais de la musique parce que c’est ma passion et qu’après j’aimerai que ça devienne ma profession, je pense que ça me suffit, c’est la récompense que j’attends. Si par contre je déçois ma famille ou qu’elle ne me croit plus du tout en devenant moins sérieuse, là il y a un problème.

En guise de conclusion, je dirai aux gens qui m’aiment et qui me suivent de faire ce que je fais et non ce que je dis parce que, ce que je dis c’est pour vendre et non pour être fait …

Aussi, j’aimerai qu’on émerge, que ça émerge, que ça explose, que ça parte comme pour les nigériens, pour les camerounais, que ça parte, que les mécènes, que les producteurs nous fassent confiance, … on a du talent, on n’attend juste qu’eux, on a du talent à revendre, on a de l’argent dans le cerveau …

Interview Paradis Mananga

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